VOYAGE VIRTUEL DANS L'OEUVRE DU CARAVAGE
ITALIE
Caravage fait des ravages !
Le Caravagisme
Michelangelo Merisi (1571-1610) révolutionne la peinture européenne du XVIIe siècle. Son nom, Le Caravage, fait référence à son lieu de naissance, Caravaggio, en Lombardie. Il invente la technique du clair-obscur et se démarque par le profond réalisme de ses œuvres. Contrairement aux canons baroques de son époque, il représente des personnes du peuple dans des scènes sacrées ou de la vie quotidienne. Son influence est telle qu’il est à l’origine du mouvement artistique qui porte son nom : le caravagisme ! Sa vie, très mouvementée, est un vrai thriller !
Visite virtuelle des œuvres du Caravage à Rome
Après avoir fait son apprentissage à Milan, Le Caravage débarque à Rome en 1590. Il y passera l’essentiel de sa vie. Les commandes de tableaux y affluent ! Les hautes sphères romaines se le déchire ! Sa vie dissolue le conduira à fuir la capitale à de nombreuses reprises…
Papillonnons dans cette nouvelle page de la rubrique Art et réalité virtuelle de The Tiger Butterfly.com consacrée au Caravage afin d’admirer ses toiles à 360° et en 3D !
L'obsession de la décapitation
Commencez votre visite virtuelle des tableaux du Caravage exposés à la Galleria Nazionale d’Arte Antica de Rome par l’incroyable Judith et Holopherne que vous voyez ci-contre !
Caravage réalise cette huile sur toile vers 1599 pour son plus gros mécène, le cardinal Del Monte. Le tableau représente Judith, une jeune veuve israélienne qui après avoir séduit Holopherne, un général assyrien, le décapite pour libérer la ville de Béthulie des assiégeants.
Cette scène dramatique illustre un épisode du livre de Judith de l’Ancien Testament. Après un banquet bien arrosé, le général Holopherne s’endort. Judith s’empare de son cimeterre pour le mener tout droit au cimetière !
Le thème de la décapitation est omniprésent dans l’œuvre du Caravage. Par exemple, on peut citer Le Sacrifice d’Isaac (v.1603), David et Goliath (v.1597-1598) ou encore La décollation de Saint Jean-Baptiste (v. 1608). Ces tableaux mettent en scène des têtes coupées et non pas le moment précédant l’acte. Caravage confronte le spectateur à l’horreur au lieu de la suggérer, le sang coule, gicle comme dans un bon Tarantino : )
Condamné pour meurtre, le Caravage est très souvent en cavale en raison de ses déboires avec la justice. Les représentations de mort violente font écho à sa biographie mais aussi à son caractère impétueux qui le mènera à sa perte. D’ailleurs, dans David et Goliath, il va jusqu’à faire son autoportrait décapité !
La violence de Judith et Holopherne est accentuée par la lumière qui se dégage du tableau. Les personnages sont presque sculpturaux grâce aux couleurs éclatantes utilisées par le peintre contrastant avec le fond noir de la toile.
Narcissisme
Révolution caravagesque
Autre moment fort de votre visite virtuelle : le tableau de Narcisse (1597-1599) inspiré par le mythe grec relaté par Ovide dans ses Métamorphoses. Le jeune chasseur épris de lui-même, éconduit l’amour de la Nymphe Écho. Les dieux punissent son orgueil en le condamnant à contempler son double inaccessible dans un plan d’eau. Narcisse se laisse dépérir. Une fleur pousse à l’endroit où il décède. On la nommera Narcisse en souvenir du jeune homme.
Avant Caravage, on avait l’habitude de représenter Narcisse dans une forêt avec la nymphe, les dieux en colère et la fameuse fleur. Caravage réinvente ce thème avec son approche minimaliste. Il se focalise sur la confrontation du jeune homme avec lui-même. Il habille le personnage dans une tenue contemporaine du XVIIe siècle et non pas à l’antique comme on avait l’habitude de le voir.
Par ailleurs, la dimension romantique voire lyrique de cette toile est rarissime dans l’œuvre du Caravage !
Simplicité & Sobriété
Saint François était une figure religieuse très populaire du temps du Caravage. Le peintre le représente dans Saint François en méditation (1605) détaché de tous biens matériels. Son habit monacal est serré à la taille par une simple corde et est troué à plusieurs endroits. La croix, faite de bois est également un signe de pauvreté. Saint François « prend la mort » dans ses mains. Le crâne est lumineux, presque phosphorescent ! Le saint le contemple, engageant ainsi un dialogue mystique.
Le décor dépouillé est propice à la méditation. On distingue une vague forme de grotte à arrière-plan du tableau. Caravage fait surgir la lumière des ténèbres dans ce magnifique exemple de clair-obscur. Cela fait écho à la lumière spirituelle qui vient auréoler le saint qui ne craint pas l’au-delà grâce à sa foi inébranlable.
La lumière "made by Caravage ©"
Le traitement de la lumière est une marque de fabrique du Caravage. Il a inventé un système d’éclairage artificiel en atelier. Il plaçait ses modèles dans une pièce obscure et les exposait à une lumière haut placée. Ainsi les principales parties du corps étaient éclairées et les parties secondaires restaient dans l’ombre.
Il utilise cette technique d’éclairage pour la première fois dans les œuvres que vous voyez ci-dessous en réalité virtuelle dans la chapelle Contarelli.
Caravage peint 3 toiles pour l’église Saint Louis des Français à Rome exposées dans la chapelle Contarelli.
Il s’agit de sa première grande commande publique consacrée à la vie de saint Matthieu, considéré comme l’auteur du premier Évangile. Il s’agit donc d’une consécration pour sa carrière de peintre.
Dans La vocation de saint Matthieu, à votre gauche, Caravage évoque le moment crucial où Jésus appelle Matthieu dans un bureau de douane sombre. Matthieu était alors collecteur d’impôts à Capharnaüm avant de devenir un apôtre du Christ. Les personnages, occupés à compter l’argent, sont vêtus avec des habits qui étaient tendance à l’époque du peintre. Le local ressemble davantage à un tripot qu’à un bureau ! Le doigt tendu du Christ fait basculer la scène dans une dimension spirituelle. Saint Pierre reproduit le geste de Jésus pour ne laisser aucun doute sur la personne appelée à les rejoindre. La magie du clair-obscur du Caravage est saisissante. Il réussit à rendre cette scène sacrée sans recourir à des effets spéciaux : Bravo !
Contemplons à présent le Martyre de saint Matthieu. Le bourreau, presque nu, occupe le centre de la composition. Il se penche vers Matthieu, vêtu de son habit liturgique. Cette scène dramatique se déroule dans une église comme le suggère les fonts baptismaux au premier plan.Trois adolescents presque nus attendent leur baptême. On retrouve des personnages du précédent tableau. Ils portent des vêtements à la mode et s’apprêtent à prendre la fuite.
Le bourreau s’empare du poignet de Saint Matthieu pour lui donner un coup d’épée fatal. Caravage nous plonge dans la violence de cet acte en portant une attention particulière à la description des émotions des témoins de la scène. À l’arrière-plan, on peut voir un autoportrait du Caravage près de la colonne. Il se considère comme un interprète privilégié de l’histoire sainte. En haut à droite, un ange tend à Matthieu la palme du martyre, symbole de vitalité et de victoire. Terminons cette description picturale par un Happy ending !
Des autoportraits tendres et violents
Nous allons à présent nous pencher sur Tête de Méduse (1597-1598), œuvre de jeunesse du peintre d’une extrême violence !
Il s’agit d’une huile sur toile montée sur un bouclier commandée par le cardinal Del Monte pour la nouvelle salle d’armes de Ferdinand Ier de Médicis. La scène est issue des Métamorphoses d’Ovide dans laquelle Persée décapite Méduse, une gorgone qui pétrifiait les hommes par son regard maléfique. Le bouclier en bronze poli de Persée lui permet d’éviter le regard de Méduse. Caravage s’inspire une nouvelle fois de la mythologie grecque comme nous l’avons vu précédemment avec Narcisse. Nous voyons ici le reflet de la tête à la chevelure de serpent sur le bouclier sous les traits du Caravage. De nouveau, il se représente la tête tranchée ! Comme s’il avait entendu la voie d’un oracle lui présageant son triste sort ! C’est également le fruit de son travail d’observation dans un miroir afin d’obtenir une œuvre la plus réaliste possible. Le dernier regard terrifié de Méduse fixe le spectateur droit dans les yeux et nous menace d’être pétrifié à notre tour !
Dans Bacchus (1597), Caravage se prend une nouvelle fois comme modèle dans un miroir. Ce tableau fait partie d’une série d’œuvres ayant pour thème le dieu romain représenté par des jeunes hommes se délectant de fruits et de vin. Le peintre se représente ici les joues rougies par le vin, en pleine forme et éclatant de beauté.
Le jeune Bacchus regarde le spectateur, sa tête ornée de feuilles de vigne, et semble nous tendre une coupe de vin. Les mains hâlées aux ongles sales, et le matelas que l’on aperçoit sous le drap blanc sont des détails purement novateurs et caravagesques ! Ils suggèrent une mise en scène théâtrale dans laquelle le peintre s’amuse à jouer le rôle de Bacchus. Le corps humain est représenté avec une grande finesse : l’élasticité des muscles, le grain de peau. Le Caravage orchestre le dessin, les volumes, les couleurs avec une technicité impressionnante. D’autant plus, qu’il s’agit là d’une œuvre de jeunesse.
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